Son cœur s’était arrêté de battre en croisant le regard de ce maudit chat. Le félin avait pris l’habitude d’attendre devant sa chambre tous les matins pour lui dire bonjour à sa façon ; en feulant. Le premier jour, Jaehwa n’était même pas sorti de la chambre, totalement terrorisé à la vue de ce chat en train de lui cracher dessus sans raison. Le deuxième jour, il s’était contenté de le faire fuir en criant des injures à travers la porte entrouverte jusqu’à ce qu’il la referme, désemparé. Le troisième jour il s’était mis à lancer toutes sortes de choses à travers le couloir pour faire partir le chat, ce qui, avons-le, avait fini par marcher. Son but n’était pas de lui faire du mal, loin de là, et ce n’était pas sa faute si sa chaussure était « malencontreusement » tombée sur la tête du minou. Il avait bien ri cependant, le tout en levant les bras au ciel comme lorsqu’on met un goal au football ou une balle dans le panier au basket. Mais pas de chance quand, au quatrième jour, il était sorti de sa chambre sans regarder autour de lui, persuadé que l’ennemi n’allait plus pointer son museau dans les parages. Le chat lui avait littéralement sauté dessus, l’esprit vengeur en essayant de le griffer aux bras. Il ne fallu pas longtemps au bulsajo pour s’enfuir du dortoir, les jambes à son cou en hurlant, écartant toutes les personnes sur son passage. Il ne s’était arrêté que quelques minutes plus tard, devant la bibliothèque pour reprendre son souffle. Encore une fois, il s’était donné en spectacle devant tous les étudiants d’Akiwa, encore une fois il passait pour l’hystérique de service, la plus grosse tapette de tous les temps qui a une peur incontrôlée pour tous les animaux du monde. Quelle vue magnifique, n’est-ce pas ? Un demi-géant qui détale comme une fillette à la moindre occasion. Autant dire qu’il en avait essuyé des moqueries, à ce sujet. Si bien que ça ne l’atteignait même plus. « saloperie de chat, saloperie de chat. » il était à bout de souffle, appuyé contre le mur en train de répéter cette même phrase encore et encore comme une incantation. C’est vrai qu’il n’avait pas de chance avec les bêtes. Soit elles s’entichaient littéralement de lui jusqu’à le coller non-stop, soit elles se mettaient à le détester sans raison ; peut-être à cause de la peur palpable qu’il émanait autour de lui ? D’aussi loin qu’il se souvienne, ça avait toujours fonctionné comme ça avec lui. Il poussa un soupir tout en regardant son bras, la blessure occasionnée par le chat le brulait fortement. A croire qu’il avait préparé son coup toute la nuit, y a pas à dire, il ne l’avait pas raté. « putain …. il m’a arraché le bras ! » il écarquilla les yeux devant la griffure, quel massacre. Le mauve fronça les sourcils avant de passer le nez par la porte de la bibliothèque, reconnaissant rapidement une tête assise non loin de la fenêtre. Voilà ce dont il avait besoin actuellement.

Sans attendre plus longtemps, et pour échapper aux regards dubitatifs des élèves dans le couloir, il pénétra dans la pièce tamisée mais pourtant lumineuse. Il se dirigea vers la table occupée par cette personne qu’il connaissait maintenant depuis de nombreuses années. Leurs pères travaillant ensembles, avaient eu pour idée de les inscrire au même moment chez les scouts. Autant dire que les vacances ne furent pas de tout repos. Entre les visites au zoo et le camping dans les bois, Jae en avait vu des vertes et des pas mûres en compagnie de ce charmant octopus. Il s’arrêta à quelques mètres du bleu zinzolin pour tendre son bras ensanglanté vers lui et se mettre à tituber en faisant des bruits de mort vivant. « eurg ar arr gr azr tgrr » il s’appuya à la table avant de s’étaler dessus – et principalement sur les bouquins du garçon. « arrgh argggh khoff khoff je … vais … mourir. » et puis, il laissa retomber sa tête sur la table devant les yeux ébahis des autres élèves. Il prit une grande inspiration avant de plonger son regard dans celui de Wonae. « je me suis fait attaquer… je souffre, aide-moi le poulpe. » bien sûr, il ne pouvait pas s’empêcher de l’appeler ainsi. De toute façon le bleu le lui rendait bien en se fichant perpétuellement de lui et de sa taille de demi-géant, comme une bonne partie des gens qu’il connaissait, d’ailleurs. Jaehwa pris ensuite une petite mine en se redressant, montrant sa blessure au garçon en face de lui. Ce qu’il voulait ? Sans doute un peu d’attention de la part du bleu, et c’était assez fréquent. C’est qu’ils avaient échangé pas mal de choses en étant gosses – encore plus sous la tente lors des nuits d’été. Il mordilla sa lèvre inférieure avant de pencher la tête sur le côté, posant ses yeux sur le sang qui se mettait à sécher lentement. « mmmh. en plus, je lui avais rien fait à ce pervers de chat. ça fait quatre jours qu’il attend devant la porte de ma chambre pour me massacrer. » Le bulsajo poussa un soupir, toujours assis sur les livres de son ami d’enfance – si on pouvait le qualifier comme tel – non, il n’avait pas envie de bouger ses fesses. Il n’avait plus besoin d’étudier, il faisait déjà ça tout le temps. Et puis il voulait son attention, que ça lui plaise ou non, d’ailleurs.

Lorsqu’il entendit son réveil sonner ce matin-là, comme tous les autres matins, wonae se mit à grogner. Il détestait se lever, malgré le nombre d’années qu’il avait passé à se lever aux aurores tous les matins ou presque, il détestait se lever. Mais il devait profiter de cette heure libre pour réviser son histoire de la magie, c’était impensable de ne pas avoir la meilleure note à cet examen, il était purement théorique ! Même si c’était une matière relativement inutile et stupide. Mais il allait bien se garder de dire ça à qui que ce soit. Alors, comme tous les matins, après que l’instrument de l’enfer – le réveil – l’ait sorti de son lit, il enfila son uniforme soigneusement et passa un coup de peigne dans ses cheveux avant de décider que, de toute façon, il n’avait pas besoin d’être présentable à cette heure-ci. Il jeta un coup d’œil accusateur au gros matou dormant encore sur son lit avant de partir. C’est vrai, s’il pouvait être un chat, ce serait le paradis. Mais à la place il était obligé d’être un élève de l’école tout ce qu’il y a de plus humain et ça le forçait à travailler parce qu’il ne supporterait jamais d’être un de ces étudiants aux notes déplorables sans aucun avenir. C’était inenvisageable.

Il n’avait pas mis longtemps à se rendre au troisième étage du château, son étage préféré et celui qu’il fréquentait le plus souvent. Pour la bonne raison que la bibliothèque ainsi que la salle d’étude s’y trouvaient. Et c’est à la première qu’il alla se rendre directement, sans réfléchir. En effet, wonae se fiait aux livres de la bibliothèque en toutes circonstances. Il ne prenait pas toujours correctement ses notes, ou ne les prenait même pas du tout parfois, parce qu’il avait compris ce que beaucoup d’élèves n’avaient jamais réalisés – les professeurs ne faisaient que reprendre des passages de livres et les intégraient à leurs cours, ainsi, toutes les informations dont il avait besoin se trouvaient dans ces petits bijoux. Il alla vers un rayon reculé, observant les ouvrages, puis en attrapa un très gros, un peu poussiéreux, intitulé « la magie à travers les âges » un ouvrage global, exactement ce qu’il lui fallait. Il en attrapa une bonne dizaine d’autres, des gros comme des petits, avant d’aller s’asseoir à une table, ouvrant le premier et se plongeant dedans.

Ce n’est que deux bonnes heures plus tard, alors que la bibliothèque se remplissait, qu’on vint le déranger. Dès qu’il avait entendu les espèces de grognements dans son dos, il avait compris ce qui l’attendait – il pouvait reconnaître cette voix partout, peu importe comment elle était modifiée. Ainsi donc, ce grand dadet était encore venu troubler ses révisions. Il n’eut qu’à peine le temps de retirer le livre qu’il lisait avant qu’une masse humaine s’étale sur les autres, lui faisant écarquiller les yeux. « jaehwa, pousse ton gros derrière des livres, ou la bibliothécaire va t’incendier. » Il haussa ensuite un sourcil en écoutant les paroles insensées du garçon, essayant de comprendre son problème. Il attrapa son bas pour l’inspecter lorsque l’autre jeune homme le lui montra, n’y trouvant que quelques griffures. C’est ensuite avec un air perplexe qu’il le regarda, avant de pousser un petit soupir. Pourquoi le prenait-il pour une infirmière ? Il n’avait aucune compétence médicale ! Et si ça ne tenait qu’à lui, il lui conseillerait seulement de mettre un pansement. « t’as pas des pansements ? ça va, tu vas pas mourir. » En voyant que le bulsajo continuait, il décida de fermer son livre et de le poser sur la petite pile encore intacte, réalisant que ses révisions n’iraient pas plus loin maintenant. Il croisa les bras sur son torse, fixant le violet maintenant assis un peu mieux, même si ce n’était pas encore ça. Il hocha doucement la tête lorsque celui-ci lui raconta sa mésaventure avec un monstre félin, se retenant de rire. Ha, la peur des animaux du demi-géant, lui-même s’en était moqué et s’en était même servi lors de leurs jeunes années, mais c’est vrai que de temps en temps, c’était beaucoup moins drôle, comme lorsqu’il venait se plaindre de ses douloureuses et effrayantes expériences. « ce serait pas le chat de ton colocataire ? non, parce qu’en général, les chats ne restent pas devant une porte sans aucune raison. » Il n’était pas expert en félins, mais il en possédait un tout de même, alors il était toujours mieux placé que l’autre jeune homme pour savoir que c’était anormal qu’un chat fasse le guet devant sa porte. « ou alors il t’en veut pour une raison inconnue… et il est très rancunier. » Il fronça les sourcils. Est-ce que les chats étaient rancuniers ? Il n’en avait aucune idée, le sien était une peluche. Un vrai pacha amorphe, incapable de bouger ne serait-ce qu’un coussinet pour aller attraper une souris s’il en voyait une – il aurait même plutôt tendance à miauler sur son maître. Il fit une petite moue agacée alors en voyant toujours ses pauvres livres maltraités par le fessier du plus grand. « tu… veux vraiment pas ne pas détruire les livres de l’école, hwa ? non, parce que, je vais avoir des problèmes si t’en déchire un.. » Et même s’il ne l’avouait pas explicitement, il aurait bien aimé continuer à lire, même distraitement. Il pensait savoir tout ce qu’il fallait pour son examen, mais il avait été absorbé par certaines pages d’un petit livre se trouvant tout en dessus du tas sur lequel jaehwa s’était installé et il aurait vraiment apprécié de pouvoir le récupérer. Il doutait, cependant, que son ami comprenne le concept de « lire pour le plaisir », et il se contenta de le fixer, attendant une réaction.

Le bulsajo poussa un soupir avant d'écraser son menton dans la paume de sa main, toujours affalé sur les affaires du petit muneo. Comment pouvait-on autant jaser pour si peu de choses ? « non, je n'ai pas envie de retirer mes fesses de là, pour répondre à ta question. et puis, arrête le drama ! je ne vais pas abîmer ces livres par la seule force de mon cul. » s'enquit-il. Jaehwa avait pour habitude de s'exprimer comme ça lui venait à l'esprit sans se poser la moindre question relative à la bienséance. Encore moins quand il s'adressait au muneo. Le poulpe – comme il s'amusait à le surnommer directement après « wonaze » - était un perpétuel insatisfait. C'est du moins comme ça qu'il le voyait après avoir passé autant d'années à le fréquenter. Il n'était pas méchant, loin de là, disons quelque peu « pointilleux ». Par exemple, Jae venait de s'asseoir sur ses livres et il était prêt à mettre sa main à couper que la seule préoccupation du bleu était de sauver ces précieux ouvrages et de s'enfuir dans un autre coin pour les lire bien au calme. Le bulsajo n'avait pas envie de lui faire ce plaisir, et même s'il ne comptait pas le retenir focalisé sur sa blessure, il comptait bien capter son attention le plus longtemps possible. Le provoquer était une bonne solution. Chaque fois qu'il se mettait à le taquiner, Wonae montait sur ses grands chevaux et essayait de se faire entendre de toutes les façons possibles. C'est un trait de caractère que Jae a pu observer sur l'un de ses pères – puis qu’apparemment il en avait deux. Le plus grand s'humecta les lèvres, ne bougeant toujours pas de son petit trône constitué de bouquins anciens – quel toupet, tout de même. Montrer ses fesses à pareilles légendes, il en riait intérieurement car c'était forcément ce que le petit Won était en train de penser, n'est-ce pas ? Il claqua des doigts à plusieurs reprises devant le visage évanoui de son ami d'enfance, un peu brusquement. « réveille-toi cendrillon, tu vas arrêter de te comporter comme un fayot quand j'suis en train de te parler. tu liras une autre fois. » Jaehwa n'éprouvait pas la même passion que le plus vieux pour lire. Il lisait tellement lentement que le bouquin finissait par l'endormir. Il ne comptait plus le nombre de fois ou il s'était assoupi, tête la première dans son livre. Le pire restant tout de même de lire plusieurs fois une phrase sans en comprendre le sens, comme si le cerveau n'arrivait pas à lui en donner un. Les cours de littérature avaient toujours constitués une terrible torture pour lui. Il avait absolument tout essayé, lire tout haut, lire tout haut sans faire de bruit, dire dans sa tête, se forcer à lire au moins un chapitre tous les soirs avant de dormir. En fait, il n'avait jamais trouvé meilleur somnifère que la lecture et, maintenant, lorsqu'il éprouvait des difficultés pour s'endormir la lecture venait lui sauver la vie.

Le mauve riva une nouvelle fois son regard vers sa blessure avant de la porter à sa bouche. Il glissa sa langue dessus, grimaçant ensuite lorsque la plaie se mis à le picoter désagréablement. « ah le sale goût de sang ... » il fit la moue, replongeant une nouvelle fois son regard dans celui de Wonae avant de balancer son sac sur sa table, sans délicatesse. « soigne-moi. je vais te donner ce qu'il faut, j'garde toujours des pansements à cause de ces saloperies d'animaux. » et pas n'importe lesquels d'ailleurs. Souvenez-vous un peu des pansement de votre enfance ? Oui, ceux avec les petits dinosaures dessus, de toutes les couleurs ! Voilà ce qu'il présenta au plus petit, lui jetant la boite sur les cuisses avant de remonter la manche de son uniforme, sagement. Il afficha un sourire en coin avant de se redresser, laissant glisser sa langue sur ses lèvres quelques secondes. « allez, tu m'as toujours soigné .... toi et eunseol... et. » il plongea son regard vers l'extérieur, à travers la fenêtre, une petite pointe de douleur l'assaillant soudainement. C'est vrai, il n'était plus avec sa copine, plus « réellement » depuis quelques temps. Il y pensait le plus clair de son temps, il se sentait forcément seul maintenant que cette « partie de sa vie » s'était envolée sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi. Lui aussi avait besoin de réfléchir au sujet de cette relation, réfléchir à ce qu'il éprouvait réellement pour la jeune femme. N'était-ce pas simplement une grande affection ? Ne se trompaient-ils pas tous les deux sur la nature de leurs sentiments, sur leur raison d'exister ? Il préféra chasser cette idée de sa tête plutôt que d'en parler à son ami. Jae avait pour fâcheuse habitude de toujours tout garder pour lui, de toute façon. « donc tu pourrais le faire, hein ? » il savait très bien comment faire plier wonae de toute façon, après tout ce temps en sa compagnie, il ne savait pas si quelqu'un le connaissait mieux que lui dans cette école. Peut-être, dans le fond, il n'était pas au courant de toutes les relations de son ami, Cela dit, il pensait bien savoir comment fonctionnait ce dernier, assez pour le manipuler un petit peu, en tout bien tout honneur, évidemment. Après tout, ce n'était pas dans ses habitudes de jouer avec les gens. Il se plaisait à taquiner Wonae, de beaucoup de façons, mais jamais il, n'avait été désobligeant ou insultant avec lui. La taquinerie n'empêche pas le respect et celui-ci faisait tout de même partie de ses valeurs même si, actuellement, son derrière était en train de ratatiner quelques livres appartenant à l'histoire. Du détail, n'est-ce pas ?