1h48. Il ne dormait toujours pas. L'heure n'était pas si tardive, mais c'était jeudi – et le jeudi était la journée la plus chargée pour les deux jeunes hommes, et il le savait. Ils ne se voyaient généralement pas de la journée; rapidement le matin, puis ça allait au soir ensuite, et ce même s'ils avaient une pause assez longue concordant entre l'heure du dîner et le premier cours la suivant. Il préférait généralement plutôt passer ce temps-là en compagnie de son meilleur ami ou, encore, aller passer un peu de temps dans la salle des muses, un endroit qu'il fréquentait plutôt souvent depuis quelques jours. Mais voilà : après une telle journée, généralement, ni l'un ni l'autre ne revenait bien tard à la chambre. Il était habitué de revenir un peu après vingt et une heure, et lorsqu'il n'était pas chanceux, l'aiguille pointait presque le 10 sur l'horloge – de façon à ce qu'il soit toujours le dernier à se rendre à la chambre. Et comme le dernier cours se trouvant sur l'emploi du temps de nine était sport ce jour-là, il savait qu'il avait tendance à terminer sa journée avec une rapide douche – ensuite, il se jetait dans le lit et s'endormait. Voilà un homme, un vrai de vrai. Lui se rendait directement à son lit et vers minuit, lorsqu'il se réveillait, il retrouvait mystérieusement son idiot de dépendant de frère dans -son- lit, dormant paisiblement à ses côtés. Ils n'étaient plus des enfants ? Oui, c'était bien ce que leurs deux pères avaient tenté de leur expliquer mainte et maintes fois...

Seulement voilà, ce soir, cet idiot de frère avait décidé de ne pas laisser signe de vie. Et comme si ce n'était pas suffisant, à deux heures moins le quart du matin, il n'était toujours pas rentré. Du moins, c'était ce qu'il croyait. Il n'en savait plus rien. Il avait perdu patience une bonne dizaine de minutes déjà et avait décidé de sortir de la chambre depuis environ le même nombre de minutes. Bien évidemment qu'il serait resté dans la chambre, emmitouflé sous ses couvertures, confortable. Il aurait préféré cent fois ça que de marcher nu pied dans les couloirs sombres et peu réconfortants du cachot, que d'essayer de se la jouer caméléon sur les murs de briques chaque fois qu'il entendait un bruit qu'il ne savait que trop s'il était en train d'imaginer ou de réellement entendre, que de devoir monter six – maudits – étages afin de se rendre à une tour – et tout ça après en avoir descendu un afin d'emprunter le passage reliant le manoir au château parce que, qui serait assez fou pour marcher dehors par un tel temps de toute façon - là où il était loin des cachots, des professeurs, et surtout, surtout, loin de son père. Oh, non, il n'avait pas peur de son père, mais son père était cependant assez vil pour lui enlever le droit même de sortir de sa chambre de dortoir pour les trois prochains mois. Et puis, fumer une cigarette, ça le faisait beaucoup moins aux cachots, de toute façon. Mais pourquoi Diable monter six étages seulement pour fumer une cigarette sans sortir ? Peut-être parce qu'il n'avait ni pris le temps d'enfiler plus qu'un énorme tee – assez énorme pour tomber sur ses épaules et couvrir jusqu'à la moitié de ses cuisses, au passage – et qu'on se les gelait, dehors, certainement plus qu'à l'intérieur. Et puis, franchement, il aimait bien observer les étoiles. Il vint s'asseoir au beau milieu de la pièce, tapa une, deux, trois briques avant d'entendre le bruit creux d'une brique facile à retirer – ce qu'il fit – pour en tirer un cendrier construit d'une conserve. Puis il attrapa un paquet enfouit juste en dessous, un briquet, et en moins d'une il tirait déjà pour une première fois sur le cylindre de nicotine, ses doigts un peu tremblants semblant déjà se calmer sous l'effet. Mortel mais relaxant, fallait dire.



Son portable retomba lourdement sur le sol, à ses côtés, et si ce fut étonnant qu'il ne brise pas sur le coup, ce fut aussi étonnant qu'il garde un air aussi calme au visage alors qu'il tirait à nouveau sur sa cigarette, un regard vide posé vers la fenêtre où il pouvait observer le ciel - les étoiles - quelque chose de beaucoup plus intéressant que l'horloge qui allait le rendre fou, dans tous les cas.

Rien ne laissait croire que la soirée de ce jeudi en particulier allait différer des autres. Il n'avait pas fait de nouvelle rencontre intéressante, ni même inintéressante, il n'avait été invité à aucune fête, et de toute façon, qui fêtait le jeudi, hein ? Et puis il était fatigué, aussi, mais ça, c'était la norme à cette heure de la journée, ou de la nuit plutôt, juste après un cours de sport. Épuisant, le cours, d'ailleurs, mais il s'était donné à fond comme d'habitude, et c'est ce qui faisait la différence avec les autres, et surtout, ce qui faisait la différence dans ses notes. Parce qu'il fallait bien un truc pour augmenter sa moyenne et ne pas avoir l'air trop con... ce qui était assez difficile pour lui puisque, sans être cancre, il n'était pas très doué dans tout ce qui touchait la magie. Et sa foutue baguette récalcitrante qui refusait de lui apporter son aide... génial. Wayne avait de quoi être jaloux avec tous les trucs qu'il avait réussit à faire exploser sans le vouloir. Mais donc, après avoir donner son maximum en sport, il avait tout bonnement décidé de sauter dans les douches, comme chaque jeudi soir, parce que non seulement il se sentait crasse, mais en plus, il savait très bien que son cher frère ne le laisserait pas poser un seul de ses doigts sur ses draps s'il n'était pas savonné des pieds à la tête pour enlever chaque parcelle de sueur qui lui collait à la peau. Bien que moins psychotique niveau propreté que son géniteur, wayne avait de quoi lui foutre la trouille lorsqu'il s'agissait de son hygiène personnelle. Ce qui n'était pas vraiment surprenant puisqu'il abusait de son hospitalité pour dormir. Mais le dodo ne s'annonçait pas, cette fois, puisqu'il fut interpellé et tiré dès qu'il posa le pied hors de la douche. Ses sourcils se froncèrent ; il n'avait nullement l'intention de faire faux-bond à sa nuit de repos, peu importe la raison de cette soudaine attaque amicale. Il n'était pas d'humeur, en plus, et ne rêvait que... de rêver. En paix, avec de chaudes couvertures, un matelas moelleux, un oreiller doux et un compagnon de lit râleur mais accueillant.

Malheureusement pour lui, ou pas, la tentation était forte lorsqu'il pénétra dans la chambre de l'un de ses... camarades de maison. Pas réellement un ami, mais quelqu'un qui le connaissait juste assez pour savoir comment le faire faiblir sans qu'il ne réfléchisse trop. Et c'était plutôt facile ; des gâteaux, de la bière et ce que le frère de l'autre annonçait comme une drogue révolutionnaire. Il ne comprenait pas trop en quoi une drogue pouvait être révolutionnaire, et doutait fortement qu'elle puisse être si bonne que ça après tout ce qu'il avait pû tester dans sa vie -avec kessy comme beau-père, difficile de trouver mieux. Mais il ne pouvait quand même pas refuser, et puis, se dit-il, une petite heure ne tuerait personne. N'est-ce pas ?

Mais une heure changea pour deux, puis trois, puis le couvre-feu était depuis longtemps tombé. Qu'est-ce qu'il faisait encore ici à discuter de la possibilité des lamas à vivre en terre froide ? Il était sonné, ou quoi ? Bien que la compagnie des deux autres soit agréable, il s'était sortit de sa torpeur, et souhaitait de nouveau rejoindre son lit. Et c'est ce qu'il fit, ou presque. Presque, car rendu au lit, il remarqua qu'il manquait quelque chose d'important ; son frère. Et c'est environ à ce moment que son cellulaire se mis à vibrer comme un dément, le faisant sursauter avant qu'il ne réussisse à calmer la vibration en ouvrant le message qu'il avait reçu. Eh, merde.



Mature, vraiment, oui. Mais il pouvait être n'importe où et il ne voulait pas commencer à chercher. Il se mit tout de même en route vers le passage menant à l'école ; il n'était pas con au point de croire que wayne puisse rester dans le manoir alors qu'il était visiblement énervé. Il était probablement quelque part où il pourrait fumer tranquille, ou, il ne savait pas trop en fait... probablement en hauteur. La terrasse, peut-être, l'une des tours, ou bien même les toits. Il grimaça en fixant les longs escaliers, retirant ses chaussures et les gardant dans ses mains pour faire le moins de bruit possible. Il entreprit sa montée, gardant sa main sur son cellulaire en espérant une réponse claire qui lui indiquerait l'emplacement de son frère.

Son portable, couché sur le sol, vibra si fort et sonna de façon si écho qu'il eu l'impression qu'on put l'entendre dans tout le château. S'il avait été un peu plus nerveux, probablement se serait-il jeté sur le dit portable pour l'arrêter, ou, au moins, pour qu'il arrête de vibrer contre le sol et de faire tout un vacarme qui, à cette heure avancée de la nuit, lui semblait terrible – particulièrement pour ses oreilles un peu sensibles... peut-être était-ce le problème, au fond. Il soupira, ses bras s'accrochant à ses jambes à présent à demi repliées vers lui alors qu'il rejetait la tête vers l'arrière, les yeux fermés. Il n'avait pas spécialement envie de lui parler ou de s'engueuler sur un certain point sur lequel ni l'un ni l'autre ne s'entendrait ou bien d'avoir l'air stupide parce qu'il s'était inquiété pour rien. Nine était un grand garçon – plus vieux que lui, qui plus est – et ils n'étaient plus des enfants. Peut-être devait-il simplement apprendre à être moins nerveux. Moins contrôlant lorsqu'il s'agissait de la vie de sa famille. S'il y avait bien une personne dont il n'avait rien à fouetter des actes et des paroles ; c'était son père biologique. S'il avait pu s'inquiéter pour sa mère à ce jour, cela dit, il l'aurait bien fait. Même chose pour les deux autres mâles, au final. Il pris un moment avant de répondre, allant jusqu'à consommer – consumer était peut-être plus approprié, dans ce cas – presque la moitié de sa cigarette. Puis au bout d'un moment, il humecta ses lèvres et attrapa à nouveau le portable pour lire le message qui apparaissait sur l'écran d'accueil, un air froid et neutre au visage. Il était définitivement bête. Et là, il ne savait pas trop si ça s'adressait à lui-même ou à l'autre. Il hésita à répondre encore une bonne minute avant de taper la réponse la plus simple, claire et pourtant indirecte à cet idiot de nine.




Puis il referma le portable – en enlevant totalement la vibration – le redéposant au sol seulement pour se lever, marcher vers la fenêtre la plus large et s'asseoir au bord de cette dernière. Il n'avait pas vraiment le vertige, mais il préférait garder les jambes vers l'intérieur et, le haut du corps presque totalement tourné vers l'extérieur, au final, la position était si inconfortable que même lui aurait pu en grimacer. Cependant il n'en fit rien et pencha simplement le haut du dit corps vers le vide, la dite fenêtre à découvert pour il ne savait quelle raison – peut-être décourager les garçons comme lui de venir s'y asseoir, qui sait. Un puissant frisson le traversa et il se surpris à regretter la chaleur et le confort de son lit, soudainement. Peut-être aurait-il mieux fait de rester là, qui sait – mais son orgueil lui disait qu'il ferait mieux de rester ici jusqu'à nouvel ordre, de toute façon. Il tourna la tête vers le centre de la pièce et observa son portable l'espace de quelques secondes, seulement pour hocher la tête négativement, tirer sur le cylindre de nicotine une nouvelle fois et l'écraser contre un mur, la laissant tomber par la fenêtre. Puis il glissa ses jambes sur le bord de la fenêtre pour cette fois les laisser se balancer dans le vide, un nouveau frisson le traversant mais pas de froid cette fois, et il se ravisa bien rapidement, appuyant son dos au cadrage de la fenêtre et ses pieds en faisant de même. Puis il ferma les yeux, attendant patiemment que son idiot de frère fasse le lien en premier lieu et décide, en second lieu, d'y ramener ses fesses. Ce qui, franchement, pouvait approximativement prendre entre cinq et quarante-cinq minutes.

Il faillit grogner devant l'abondance de détail et de précision contenus dans l'ensemble de ce message si développé et, dirait-on, chaleureux. Mais il ne le fit pas, pour la bonne et simple raison que se faire entendre par un professeur le mènerait sans doute à sa perte. Comme s'il n'avait pas assez de retenue juste avec son prof de potion -son beau-père, putain, c'était de lui qu'il recevait pratiquement toutes ses retenues, allez savoir. Il n'allait tout de même pas aller s'en chercher d'autre alors qu'il tentait juste de retrouver son frangin, même si, mais ça il ne l'avouerait jamais à voix haute, il ferait face à n'importe quoi pour le rejoindre. Bon peut-être pas affronter un griffon ou passer un mur de feu mais... il frissonna à la simple pensée dudit mur et secoua la tête, soufflant légèrement en posant enfin le pied au dernier étage avant les toits. Il gronda intérieurement, fixant les quelques escaliers menant ci et là dans les quelques tours accessibles de l'école, posant ses doigts à la base de son nez pour en masser le cartilage, réfléchissant. Au moins, il savait déjà que son frérot était certainement dans une tour, allez savoir laquelle, mais au moins, c'était un bon point. C'était l'endroit idéal pour observer les étoiles, et encore plus pour se sentir comme si on y était. La tour des classes fut son premier choix ; calme, rarement visitée, et avec sa vaste classe d'astronomie entièrement dédiée à l'étude des étoiles, on pourrait facilement y croire, non ? Eh bien non. Il poussa un long soupir, tout en haut des escaliers, en réalisant qu'il s'était foutu le doigt dans l'oeil. Évidemment. C'était trop simple, et en même temps trop loin. Redescendant quatre à quatre en grommelant entre ses dents serrées, il prit une petite pause avant de s'engager dans un autre escalier, fixant les portes et les fenêtres comme si elles pouvaient lui donner un indice.

Ses yeux se fixèrent sur la porte le séparant de l'escalier menant à la tour d'observation et il fut tenté d’appeler son frère, peu certain de vouloir se tromper à nouveau et de se taper une autre montée. Il avait beau être en forme, il ne fallait pas pousser. Il avait ses limites, lui aussi. Il haussa les épaules, presque abattu, poussant la porte et la refermant délicatement derrière lui, montant les escaliers avant la lenteur de celui qui venait de marcher beaucoup trop longtemps à son goût. Il était pratiquement sûr d'avoir des courbatures le lendemain. Mais au moins, il ne fut pas déçu. Son soupir de soulagement se bloqua dans sa gorge, par contre, et une lueur bleuté passa dans ses yeux sous un fugace instant de panique, très peu à l'aise de le voir aussi près du vide, son corps presque entièrement suspendu au-dessus du vide. Il s'approcha vivement, jurant alors qu'il passait à deux doigts de marcher sur son portable, agrippant son bras un peu trop doucement pour être sévère. Il se demanda une seconde si les sorts anti-chute était actif sous la tour aussi, puis dans la même pensée, se dit qu'il n'avait pas envie de le savoir par expérience. « pas très prudent d'observer les étoiles comme ça. Pourquoi t'es plus dans la chambre ? J'me suis inquiéter en voyant que tu y étais pas à cette heure... »

il savait bien que celui en tort, c'était lui-même, qu'il était celui en retard, qu'il aurait dû lui donner signe de vie, et peut-être que comme ça, wayne n'aurait pas sentit la tension monter, et peut-être qu'il ne se serait pas retrouver en haut de la tour d'observation pour relaxer, fumer, et peut-être même l'éviter, vu comment il avait paru peu enthousiaste à l'idée de le voir se ramener dans son petit lieu de paix. Mais il n'était pas réellement certain de son influence sur cette petite sortie nocturne. Après tout, peut-être qu'il s'enflait la tête en croyant que c'était de sa faute. Peut-être que wayne n'était pas allé à la chambre, et- non. Non, pourquoi lui aurait-il parlé ainsi, si ce n'était pas pour ça ? Le traiter de connard, c'était plutôt commun. Mais quand il semblait y avoir une raison derrière, ça, c'était nettement différent.

il l'avait entendu depuis la porte ; la porte avait grincé, comme dans les films d'horreur, et les pas, qui auraient pu lui sembler sinistres, s'étaient rapprochés jusqu'à ce qu'il ne les entende plus. il avait plissé les yeux un peu, observant la pénombre, taisant les bruits pour les remplacer par le vide. le vide imaginaire. le vide qu'il fixait parce qu'il ne voyait pas grand chose de plus que le vide dans lequel il tombait s'il ne faisait qu'un tout petit faux pas. puis il avait fermé les yeux, pinçant les lèvres et soupirant alors que le plus vieux attrapait son bras, si doucement qu'il n'y aurait même pas cru s'il ne l'avait pas nargué par messages textes juste un peu avant. « j'me suis inquiété en voyant que tu y étais pas à cette heure... » il avait ouvert un œil et sourit à ces mots. pas parce qu'ils le rendaient joyeux et plus léger mais parce que c'était ironique qu'il lui dise ça, et il savait très bien que l'autre ineo savait parfaitement à quel point c'était ironique. il humecta ses lèvres à nouveau, cligna des yeux et haussa les deux sourcils à la fois, rien de bien prononcé, et plus pour lui-même que pour l'autre qu'il, de toute façon, ne regardait pas et ne comptait pas regarder tout de suite.

il était fâché. un peu. pas beaucoup, mais juste un peu beaucoup. ce n'était pourtant pas lui qui avait besoin de son frère pour dormir à toutes les nuits ; il se portait merveilleusement bien sans sa présence et étonnement peut-être même mieux si l'on considérait tous les inconvénients qu'il n'avait à subir lorsqu'il était absent. tous deux avaient une température corporelle plutôt élevée, pour des raisons qu'il ne connaissait pas toutes totalement, et c'était toujours vers les environs de trois heures du matin qu'il se réveillait pour trouver un nine qui roupillait paisiblement à ses côtés tandis que, lui, devait tourner une bonne quinzaine de minutes sur lui-même pour retrouver le sommeil et tout ça en sachant qu'il se réveillerait à nouveau, tout en sueur, dans deux ou trois quart d'heures. bon, forcément, ils n'étaient pas l'été et, au fond, wayne n'avait jamais assez de chaleur ; mais ça arrivait parfois. stop. de toute façon, c'était pas important. il dormait comme un bébé à ses côtés et c'était normal ; c'était son frère et il ne se rappelait pas les nuits qu'il avait passées sans lui avant de débarquer chez son père adoptif. dans tous les cas, s'il se fichait de sauter quelques nuits sans dormir avec lui, le fait qu'il ne lui donne même pas signe de vie lorsqu'il ne rentrait pas à la chambre était différent, par contre. nine n'était pas tout sage et ce n'était pas un secret qu'il lui arrivait d'être casse-cou ; ça devait être de famille, de toute façon. il n'aurait donc pas été étonné de retrouver une carcasse toute froide au fin fond des bois, un jour, et c'était cette idée qui l'emmerdait profondément. c'est après une bonne minute de silence qu'il secoua son bras, doucement, juste assez pour repousser sa main et lui indiquer qu'elle n'avait, pour le moment, pas sa place où elle l'était. il mordit l'intérieur de sa joue, se forçant à ne pas être trop désagréable et à prononcer quelque chose d'un peu plus constructif que 'connard va chier'.

« c'est pas très prudent de monter si haut dans le château quand t'es complètement défoncé. » répondit-il simplement, tournant la tête vers lui, son regard peu chaleureux se figeant vers ses yeux et ses pupilles tellement dilatées qu'on aurait pu le croire pour un taré de vampire. un long soupir se fit entendre et il hocha la tête, négativement, en signe d'abandon. les engueulades type vieux couple, c'était pas trop son truc. et il n'était pas non plus son père ; il faisait bien ce qu'il voulait de sa peau, après tout, n'est-ce pas ? et pourtant le voilà, prêt à lui cracher du venin parce qu'il était sorti après le couvre-feu sans lui laisser un message, et qu'il avait fêté d'une façon ou d'une autre. ni une ni deux, il se retrouvait à nouveau sur pieds, ramassant son portable au sol et frottant l'écran comme pour chasser la poussière ou vérifier que la vitre n'était pas brisée. « c'était pas une invitation. » lui expliqua-t-il alors qu'il réalisait qu'il n'avait rien de plus à lui dire, au fond. il n'avait aucun réel reproche à lui faire et il ne lui devait aucune morale ; il n'était pas bien mieux que lui et ce n'était pas son rôle. par contre, il ne pouvait pas s'en empêcher. lui avait bien droit de faire ce qu'il voulait, mais nine ? il pouvait faire les mêmes erreurs que lui, ce n'était pas pareil. c'était complètement différent. et il savait parfaitement. il l'assumait, également. ne mentirait jamais à la gueule de nine pour lui dire « c'est pas vrai, moi je ne fais pas ça. » non, plutôt, c'était ; « mais moi j'accepte pas ça, alors ferme-la. » il fit volte-face et le poussa en revenant sur ses pas, reprenant sa place à la fenêtre mais s'assoyant face à nine, cette fois, tombant dans un nouveau silence.

son bras retomba sur le côté de son corps, mollement, comme soudainement dépourvu d'articulation, alors que son regard se reposait au sol dès que ses pupilles dilatées croisèrent celles à peu près normale de son frère. il n'avait pas vraiment honte de sa consommation, mais plutôt honte que cette dite consommation l'ait distrait suffisamment pour qu'il en oublie d'avertir la seule personne qui comptait assez pour qu'il se donne la peine de le faire. et il savait que ses yeux étaient toujours embués, peut-être même rouges, mais il se sentait sur la pente descendante de son high, et commençait presque à le regretter, maintenant qu'il se retrouvait dans cette fâcheuse situation. mais c'était à régler au plus vite, sans quoi il aurait des regrets pendant de nombreuses nuits... parce que wayne était fâché – non, pas fâché. il était irrité, peut-être, mécontent. mais fâché, c'était peut-être un peu fort pour cet état. mais il était certes d'une humeur peu agréable, et c'était de sa faute. et lui était là, debout comme un con, à se mâcher la langue parce qu'il ne devait pas sortir les mots honnis qui lui grugeaient l'intérieur des joues comme pour se prononcer sans son consentement. « tu me fais la même chose » était toujours la phrase qui pinçait le bout de sa langue lorsqu'il avait ce genre de discussion avec wayne, mais il ne pouvait jamais la prononcée. car au fond, le garçon lui faisait une fleur en l'acceptant nuit après nuit dans son lit pour qu'il puisse y trouver le sommeil, et c'était à lui de s'assurer de lui démontrer une constante gratitude, et ce soir, il avait décidément foiré niveau gratitude en oubliant à ce point de lui donner de ses nouvelles. bien sûr, il était un grand garçon, et il avait passé l'âge d'avertir papa et maman de ses sorties surprises, mais c'était un non-dit assez particulier avec son frère, de toujours s'assurer d'au moins lui annoncer son retard. il n'avait jamais réellement compris pourquoi c'était si grave pour lui alors que c'était techniquement wayne qui était le plus à risque d'être mal en point pour une raison stupide -et dieu seul sait à quel point ce gamin c'était blessé de manières plus incongrues les unes que les autres. et c'était toujours lui qui découchait sans prévenir, ce qui le laissait passer de longues nuits sans sommeil à se demander s'il s'était trouvé une conquête ou s'il avait juste décidé de dormir ailleurs simplement parce qu'il n'avait pas envie de partager son lit cette nuit-là. mais leur relation étant ce qu'elle était, c'était à lui de confirmer sa présence tous les soirs, et malheureusement, il n'avait rien à redire à ce sujet, sans quoi il risquait de se retrouver sans bonne nuit de sommeil pour un long, très long moment.

ses yeux fixés sur son frère qui avait repris sa place sur le rebord de la fenêtre, ce qui l'inquiétait toujours autant d'ailleurs, il soupira, fermant les yeux une seconde. il se sentait un peu stupide d'être venu, visiblement il n'était pas le bienvenue, mais que pouvait-il faire, attendre dans la chambre sagement alors qu'il savait bien qu'il pouvait s'écouler des heures avant que le plus jeune ne revienne à la chambre, et ce n'était pas ce qu'il voulait, une autre nuit à attendre. et puis... et puis peut-être qu'il avait des excuses à faire après tout. il savait à quoi s'en tenir, et il n'avait pas respecté les termes de ce qui était décidé de faire et ne pas faire entre eux deux. «  wayne, je... » c'était un peu difficile, quand même. s'excuser n'était vraiment pas son genre, et il avait encore du mal à avaler le fait qu'il lui était interdit de faire ce que son petit frère, soulignons bien petit, lui faisait assez régulièrement. il déglutit, fronçant les sourcils, avant de soupirer lourdement, détournant la tête. « je n'ai pas besoin d'invitation, à ce que je sache. j'allais tout de même pas t'attendre toute la nuit sans savoir si t'allais revenir. » bon, ce n'était pas vraiment ce qu'il envisageait de dire au départ, mais c'était plus fort que lui. il ne pouvait décidément pas s'excuser pour quelque chose d'aussi injuste, même si c'était un truc qu'il s'efforçait de respecter. il secoua la tête, un air las au visage. « je crois pas que ça soit dans tes droits d'exiger quelque chose de moi alors que tu ne te donnes pas la peine d'en faire de même, de toute façon. » gifle mentale. mais qu'est-ce qu'il racontait, encore ? il savait qu'il ne fallait pas dire ce genre de chose, que c'était, comment dire, une direction à ne pas prendre. wayne lui-même n'avait pas abordé le sujet, et c'était certainement terrain glissant, d'insinuer ce genre de truc. se massant les tempes du bout des doigts, s'en voulant déjà de ne pas avoir réussit à faire taire sa voix, il se reprit tout de même, d'une voix un peu mal assurée. « je veux dire... je sais très bien pourquoi tu m'en veux, je ne vais pas jouer sur les mots. je comprend juste pas pourquoi c'est si terrible. j'étais même pas loin. j'avais mon téléphone à portée de main. oui j'me suis défoncé, oui j'ai oublié, mais c'est toujours moins pire que quand -toi- tu décides de t'absenter, hein. » la bêtise... il voyait déjà la catastrophe arriver de loin.