Il s’humecta la lèvre inférieure, refreinant un bâillement tandis qu’il glissait sa main droite dans sa chevelure broussailleuse. Clignant des yeux, il ronchonna légèrement avant de ne porter son attention sur le tableau qui lui faisait face. « Droit des contrats. » Il soupira, posa son front contre sa table, fermant délicatement les yeux. Il connaissait déjà le contenu de ce cours l’ayant emprunté à des secondes années de master pourtant il ne pouvait s’empêcher d’assister aux cours même si ceux-ci avaient lieu en amphithéâtre, juste histoire d’alléger sa conscience sur ses actes de la nuit passée. Comme si le simple fait de se rendre en cours pouvait le soulager et le rassurer sur les raisons pour lesquelles il possédait un tel emploi. Un emploi qui à ses yeux était tout ce qu’il y avait de plus honteux et dieu, ce qu’il avait honte de lui. Personne ne le savait, même pas sa mère persuadé qu’il n’était qu’un banal serveur au revenu variant selon les mois. Mais son revenu ne variait pas selon l’influence des clients au sein du restaurant dans lequel sa mère pensait qu’il travaillait mais plutôt selon l’attrait qu’éprouvaient les clientes envers lui. Selon la manière dont il s’adressait à elles, selon les gestes qu’il avait à leurs égards, selon le ton suave qu’il employait avec ces jeunes femmes. Beaucoup de ses actes jouaient dans l’augmentation de son salaire. Généralement les femmes aimaient que l’on les traite de manière à ce qu’elle se sente unique, persuadé qu’elles étaient les seules avec qui vous vous comportiez ainsi. Lui faire croire qu’elle est la plus belle, la plus distinguée, la plus cultivée voir la plus raffinée. Toujours jouer dans les belles paroles, un sourire charmeur toutefois discret dessiné sur les lèvres. Il n’en faisait jamais trop avec les femmes qui payaient pour le posséder le temps d’une soirée. Il se contentait de se montrer attentif, à l’écoute mais surtout relativement mystérieux, ne révélant rien de sa vie privée, ce qui rendait ses clientes curieuses et relativement fidèles aux services du jeune host. Ils étaient peu à ne pas se prostituer, à ne pas offrir leurs corps à ses clientes si affamés et il faisait partis de ces jeunes hosts qui se refusait à cette pratique qui à leurs yeux semblaient honteuse et inenvisageable. Maddox se respectait mais plus encore il respectait suffisamment autrui pour savoir qu’entretenir des relations purement sexuelles n’avaient moralement rien de bon, il n’avait en aucun cas envie de partager un moment aussi intime avec une inconnue.

S’emparant de sa petite bouteille d’eau, il la porte à ses lèvres avant de n’en boire quelques gorgées. La fatigue nerveuse est une maladie qui attaque les facultés intellectuelles et affecte le psychisme. Selon les spécialistes, tout effort cérébral prolongé provoque une tension qui finit par épuiser les centres nerveux du cerveau. Ceux-ci, sans cesse sollicités, s'affaiblissent progressivement. Au bout d'un temps plus ou moins long, cette chute de potentiel se répercute sur les muscles et sur les organes, qui se mettent à fonctionner au ralenti. D'où cette sensation de fatigue extrême, d'ennui insurmontable, d'écœurement moral incoercible, d'incapacité d'agir, qu'on appelle asthénie. Maddox savait pertinemment qu’il lui fallait se reposer, penser plus à sa santé plutôt que de rester obnubilé par l’argent qu’il pouvait acquérir en faisant des heures supplémentaires. Mais voilà, il avait besoin de payer le loyer de leur logement, de subvenir aux besoins de sa mère et surtout de payer ses frais de scolarité et tout cela ne se ferait guère tout seul. Il n’arrivait plus à se concentrer sur ses cours, c’est à peine si il arrivait à conserver sa bonne humeur cependant le jeune homme était bien trop déterminé pour refuser ne serait-ce qu’une heure supplémentaire de boulot. Refermant délicatement le goulot de sa bouteille, il bailla nonchalamment avant de ne ranger délicatement son pc dans sa sacoche. Le cours prenait enfin fin et cela ne le mettait pas plus de bonne humeur que cela aurait dû être le cas. S’emparant de son portable, il expira délicatement tout en se mordillant la lèvre inférieure. Un sourire se dessina subtilement sur son doux visage tandis qu’il voyait le nom de sa douce apparaitre sur l’écran du petit appareil. C’était bien la seule capable d’illuminer sa journée, bien qu’elle ne semblait guère en avoir conscience. Il ne se souvenait plus exactement quand il avait commencé à l’aimer, à vrai dire peut-être cela avait¬-il été lorsque son regard avait croisé le sien pour la première fois. Un lycéen pauvre que l’on surnommait l’intello, rien de bien glorieux lorsqu’il s’agissait de séduire une fille de cette envergure. Et c’était bien la raison pour laquelle il n’avait jamais cherché à la séduire, pour la simple et bonne raison qu’il savait n’avoir aucune chance avec elle. Etre l’ami de la jeune femme lui semblait amplement suffisant, du moment qu’il pouvait veiller sur elle et s’assurer qu’elle soit heureuse, même si cela devait être dans les bras d’un autre. Même si cela signifiait qu’il ne serait jamais réellement heureux.

Cependant quelque chose d’étrange c’était produit quelques semaines auparavant. Il se faisait généralement discret lorsqu’il empruntait le métro pour se rendre au club d’host, discret pour la bonne et simple raison qu’il était physiquement tout ce qu’il n’était pas habituellement. Adieu les lunettes, bonjour les lentilles de contact bleu ciel, l’ensemble relativement sensuel offert pas sa patronne et la coiffure adapté à la tenue. Un ensemble qui ne lui ressemblait guère, un ensemble qui faisait de lui un homme bien plus que séduisant. Il en avait toujours été étonné voir complétement effrayé. Les femmes qui habituellement le regardaient de haut se comportaient désormais comme de véritables groupies, payant pour l’avoir à leurs côtés ne serait-ce qu’une heure, tentant pas tous les moyens à le séduire. Il trouvait cela ridicule tellement ridicule de voir que le physique semblait être la seule caractéristique recherchée par une grande majorité de femmes mais cela lui convenait dans la mesure où son salaire se révélait bien plus attrayant que s’il n’avait décidé de garder son job d’employé polyvalent dans un célèbre fast food. Ce jour-là, il l’avait croisé sur le quai du métro, ce jour-là elle avait posé sur lui un regard qu’elle ne lui avait jusque-là jamais adressé, dans un premier temps il avait tout bêtement pensé qu’elle l’avait reconnus et avait soudainement rougis tout en lui adressant un sourire gêné. Les pommettes de la jeune femme s’empourprant l’avaient rapidement ramené à la réalité. Elle ne l’avait pas reconnu. Leur échange n’avait duré qu’une fraction de seconde le temps que les portes du tram se ferment pourtant au lieu d’être satisfait d’être passé inaperçu, son cœur n’avait fait que se resserré dans sa jeune poitrine, déçu qu’elle ne l’ai guère reconnu mais plus encore qu’elle ait pu adresser un tel regard à un « inconnu » alors qu’elle ne s’était jamais comporté ainsi avec lui. Malheureusement pour maddox, ses doutes s’étaient rapidement confirmés, en plus de ne pas l’avoir reconnu elle avait craqué sur son autre lui, ne cessant de lui en parler sans même réaliser qu’elle parlait de l’homme à qui elle faisait face. Une situation que le jeune américain n’arrivait guère à gérer et à laquelle il ne désirait pour le moment pas penser. Rejoignant le restaurant universitaire, il se frotta légèrement les yeux avant de réaliser qu’il n’avait pas mis ses lunettes de vue ce matin mais bel et bien garder ses lentilles de couleurs, ayant dormis avec. « Shit. » Il souffla, tout en jurant intérieurement tandis que ses pas le guidaient vers la silhouette d’une jeune femme. Il était bien trop tard pour qu’il ne rentre chercher ses lunettes et enlever les lentilles n’étaient guère envisageable dans la mesure où il ne voyait rien sans elles. Arrivé à la hauteur de la jeune femme, il posa délicatement ses mains sur les yeux de celles-ci avant de susurrer délicatement. « Devines qui c’est ? ». Si seulement elle savait que l’homme sur lequel elle fantasmait depuis quelques semaines n’était autre que celui qui venait de poser la paume de ses mains sur ses douces paupières.