« Me fais pas ch.ier, je vois pas l’intérêt d’aller en cours. » Mais oui, quelle classe, toujours au rendez-vous. En vrai, c’était normal. La brune soupira et planta son regard dans celui de son camarade, à la recherche de la moindre lueur amusée. Ce n’était qu’une blague. Monsieur le plaisantin lui faisait une blague. Quelle frustration, il était sérieux. Lui, il voulait qu’elle vienne en cours. Qu’elle l’accompagne, à vrai dire, étant donné que par sa brillante réussite elle en était à avoir des cours de rattrapage dans plusieurs matières barbantes. Jamais personne n’arrivait à la convaincre d’aller en cours. Elle n’y mettait que rarement la bonne volonté nécessaire pour s’y rendre, mais cela relevait bien plus de ses propres convictions que de l’encouragement des autres. Du moins fallait-il qu’on la pousse, parce que, franchement, on la laissait bien couler dans sa propre galère. Une chose était sûre, elle gonflait ses proches à agir ainsi. Elle pouvait le voir, surtout dans la volonté qu'il mettait pour la convaincre de venir avec lui. Dans les couloirs, la brune accéléra le pas. C'était pas comme ça qu'elle allait pouvoir le semer mais faire semblant d'avoir quelque chose d'urgent à faire était une option comme une autre pour échapper à un ennuyeux cours de maths.

Son suiveur posa une main sur son épaule et se cala sur sa cadence. Cet énième geste exaspéra l'idole à qui on arrachait sa tranquillité, se mêlant à l'agacement qui l’accablait. La coréenne tourna vivement la tête, fixa quelques instants cette main qu'elle prenait comme une agression personnelle. Sans réfléchir leva la main en direction de l’importun. Une main qui ne s’abattit que sur du vide. Rah. Comme pouvait-elle frapper quelqu’un si celui-ci n'avait même pas prit la peine d'attendre son coup ? Elle grogna, maugréa laissa retomber son bras le long de son corps. « ne me touche pas. » grinça-t-elle entre ses dents serrées. Lentement, ses yeux dérivèrent vers la gauche derrière elle, réussissant à entrevoir la silhouette floue qui avait esquivé son coup. Depuis combien de temps jouaient-ils à se petit jeu ? A quoi bon l'obliger à aller en cours alors que celui avait certainement déjà commencé ? La chanteuse s’apprêta à reprendre sa marche mais on l'arrêta.

Jessica ne s’attendait certainement pas à ce qu’on l'arrête. Pas ainsi, pas en la retenant. Elle frémit à ce toucher. Généralement, quand elle était de mauvaise humeur, on la laissait faire, on la laissait partir. Sauf en cas de bagarre. Mais ceci était du registre de l’instabilité de la demoiselle. Elle aurait très bien pu se défaire de l’emprise. Elle aurait très bien pu lâcher une injure, une baffe, et continuer son chemin. Or, elle se laissa faire. Elle leva un regard morne et lasse avant qu'un soupire ne s'échappe de ses lèvres. « … le manager te paie peut-être pour me suivre, mais j'ai quand même le droit d'aller aux toilettes toute seule, non ?» Bingo. Elle sentie la pression autour de son fin poignée se relâcher et, une fois de plus, sa main retomba mollement le long de son corps. Prudemment, la chanteuse s'éloigna de quelques centimètres. Voyant qu'il ne semblait plus vouloir la retenir elle disparut finalement derrière une porte.

Nouveau soupire. Jessica s'appuya sur le mur et respira plusieurs fois puis entra dans une des cabines en referma la porte derrière elle. Elle abaissa la cuvette et s'installa dessus. Jessica leva la main juste en face de son visage. Elle était blanche. Elle était blanche et elle savait que tout son corps l'était autant. Elle savait à quoi elle ressemblait. Elle savait que ses cernes étaient les pires. Que ses yeux étaient trop éteints. Que son corps était faible. Le comeback l'avait affaiblit plus qu'elle ne l'avait crut. Et ce n'était pas ces rares minutes de sommeil gratter entre deux d'interview qui allaient changer quoi que ce soit à la fatigue qu'elle se traînait depuis plusieurs années. Fatigue qui revenait en force à chaque fois qu'elle entamait une nouvelle promotion. Combien de temps pourrait-elle encore continuer tout ça ? Elle avait, quelque part, toujours su qu'elle serait certainement la première membre à quitter le groupe même si cette idée ne la réjouissait pas.

Vague sourire alors que sa main droite se glisse dans sa poche pour y retirer son paquet de gitanes. Vieille habitude devenue un peu trop récurrente à son goût ces dernières semaines. Parce-que, mine de rien, sa vie était devenue un grand n'importe quoi, un bordel sans nom qu'elle n'arrivait pas à remettre en ordre. Ses doigts experts s'emparèrent d'une cigarette et rangèrent le paquet dans sa poche. La chanteuse la fit rouler dans ses doigts un long moment. Cela faisait déjà bien cinq minutes qu'elle était entrée dans cette cabine. Elle se demandait combien de temps mettrait le toutou de son manager pour se décider à entrer dans ces toilettes. Ses mains se figèrent lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. Par réflexe, elle leva les pieds afin de ne pas être repérée. Jessica s'était attendue à entendre son suiveur débarqué mais deux rires féminins venaient de se répercuter en échos dans la pièce. Elle retint son souffle et se força à ne pas bouger. Elle n'avait aucune envie d'être accostée par deux rookies alors Jessica se contenta d'écouter leur conversation. « … est enceinte. Et elle se disputait avec Yesung récemment, du coup je te laisse deviner l'identité du papa. » perçut-elle alors que l'une semblait avoir sortie une trousse de maquillage. « Quel gâchis. Mais ça ne m'étonne pas d'un côté, elle traîne souvent avec des garçons. Ce qui devait arrivé est donc arrivé. » Jessica s’étira avant de bailler. Elle qui était venue ici afin d'échapper à quelques heures de cours devait se taper les ragots de toute l'agence grâce à ces deux demoiselles. Allons bon, une idiote était tombée enceinte. « … n'empêche imagine les titres des journaux ; Krystal, 19 ans, idole et future maman. »

Sa clope se brise entre ses doigts. Pause. Elle avait besoin d'une pause à cet instant précis. Elle avait besoin d'arrêter le temps, et de prendre le sien pour réaliser ce qui venait de lui éclater à la tronche. Elle venait de se prendre une paire de gifle, on l'avait mise à terre, sans qu'elle n'ait eut le temps de réagir. Pause. Les mots se répercutaient dans sa tête, sa main plus blanche que jamais vint se perdre dans sa crinière brune. L'image de sa sœur au ventre rebondie s'imposa d'elle-même à elle. Pause. Bordel. Elle se force à souffler plusieurs fois mais son regard ne sait pas à quoi se raccrocher. Pause. Oh, et puis m.erde. La chanteuse se leva du siège et ouvrit dans un geste furieux la porte. Les deux coréennes ouvrirent en grand la bouche mais l'ex blondie des SNSD ne leur adressa pas un regard. Elle ouvrit la deuxième porte et se retrouva dans le même couloir sobre qu'auparavant, sans faire attention au jeune homme qui l'attendait depuis un bout de temps. Elle passa devant lui mais du arrêter sa marche lorsqu'on lui agrippa le bras. Cette fois-ci l'idole se dégagea violemment et sa main vint s'écraser contre la joue du garçon. Elle regretta son geste dès la seconde passée mais son état ne lui permit pas de s'excuser, au contraire. « je t'avais dis de ne pas me toucher ! » cracha-t-elle d'une voix grave.

Certainement trop surpris pour tenter quoi que ce soit d'autre le pauvre employé la laissa filer dans les couloirs. Elle pouvait sentir son sang battre à ses tempes, ses pas résonnaient dans le couloir. Elle ouvrait chaque porte à sa portée, jetait un regard de faucon dans chaque salle avant de les refermer brutalement. Elle n'arrêta ce manège qu'en reconnaissant cette chevelure brune familière ; Krystal était là, avec une insouciances qui ne fit qu'aviver sa colère, à discuter avec plusieurs amis. « Dégagez, je dois parler à ma sœur. » leur lança-t-elle. Face à leur immobilité, sa mâchoire se serra, ses phalanges se refermèrent sur sa paume moite. « DEGAGEZ. » réitéra-t-elle dans un cris suffisamment fort pour les faire bouger. On connaissait les caprices de la Ice Princess à l'agence, mais c'était certainement la première fois qu'on la voyait crier sérieusement. C'était suffisamment inquiétant pour ne pas risquer de la contredire, apparemment, puisque la pièce se vida rapidement.

Une fois seule avec Krystal, la brune s'approcha d'elle en pointant un doigt accusateur vers sa cadette. « Tu l'as fais exprès ? C'est une vendetta personnelle contre notre famille ? Ou contre moi, peut-être ? » Jessica ne savait pas vraiment pourquoi elle ramenait ce problème vers elle, ni pourquoi, par la grossesse de sa sœur, elle se sentait personnellement agresser. « Tu me déteste au point d'être aussi égoïste ? » Pendant qu'elle s'évertuait à trouver les mots pour qualifier l'acte de Krystal, Jessica s'était mise à faire des allées retours dans la pièce, ses mains ébouriffèrent sa propre tignasse. Elle s'essuya les yeux excédée par cette nouvelle. Ce n'était pas un spectacle qu'on pouvait voir souvent ; Une princesse de glace aussi agitée, au bord de la panique, qui d'habitude affichait un masque d'impassibilité froide. « Krystal, bordel, que va dire maman ? Et papa ? C'est aussi pour ton rêve à toi qu'on a déménagé en Corée. Tu... Tu es.. Oh, et puis m.erde, Krys. »

C'était la première fois qu'elle pouvait se permettre d'en vouloir à sa sœur. Et là, elle lui en voulait au point de briser cette distance froide qui les séparait depuis plusieurs années déjà. Elle lui en voulait de prendre son rôle à coeur de grande sœur... pour la première fois.